Rapports sur les droits de l’homme : quelle méthodologie ? Les rapports des organisations de défense de droits de l’homme suscitent très souvent de nombreux commentaires. Comment sont-ils produits ? Avec quels moyens ?

1 07. C’est le nombre de civils tués au Mali depuis décembre 2021, selon un rapport de Human Rights Watch. Tout comme cette ONG internationale, la MINUSMA, Amnesty International ou encore la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) publient régulièrement des documents. « Nous élaborons beaucoup de rapports sur les violations de droits de l’Homme. Dès qu’on reçoit l’information sur un cas éventuel, nous dépêchons des missions d’enquête pour des investigations en plusieurs étapes. Il peut y avoir une mission sur le terrain, tout comme un monitoring à distance. C’est-à-dire une enquête à distance sur la base de témoignages de sources », explique M. Aguibou BOUARE, Président de la CNDH.
« Dès qu’on reçoit l’information sur un cas éventuel, nous dépêchons des missions d’enquête pour des investigations en plusieurs étapes ».
Allégations Une fois les allégations reçues, elles sont d’abord considérées comme non établies. La première étape consiste à vérifier les informations reçues. « Dans un premier temps, on examine et écarte certaines informations ou allégations, considérées comme étant non crédibles ou non fiables, des manipulations ou des inventions», ajoute M. Olivier Salgado, porte-parole de la MINUSMA. La deuxième étape consiste à effectuer une mission sur le lieu de l’incident pour collecter des informations supplémentaires. « Ceci peut consister à faire des constatations matérielles, à recueillir des éléments de preuve, à s’entretenir avec des sources (directes et indirectes), notamment les victimes, les témoins, y compris oculaires, les membres des familles, les autorités, etc..) », poursuit-il. Selon lui, là où la MINUSMA ne peut se déployer pour des raisons de sécurité, la méthodologie de collecte et d’analyse des allégations et d’analyse à distance est mise en application. Crédibilité À la MINUSMA, c’est la Division des droits de l’homme (DDHP) qui produit les rapports sur les violations. Comme « toutes autres composantes des droits de l’Homme des Nations Unies », elle travaille conformément à une méthodologie de collecte, d’analyse, de documentation et de rapportage établie par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (basé à Genève)
Cette méthodologie établit des critères et exigences pour qu’une information soit prise en compte. Les règles de collecte des informations et témoignages sont observées afin de s’assurer non seulement du respect des plus hauts standards en la matière mais également de la crédibilité, de la pertinence et de la fiabilité des éléments collectés. La MINUSMA déploie en général des équipes d’enquête composée de chargé(e)s des droits de l’Homme, experts de police scientifique et Casques bleus dans le but est de faire la lumière sur les circonstances d’allégations de violations des droits de l’Homme, d’identifier les auteurs présumés, ainsi que les victimes, et de situer la responsabilité des acteurs impliqués », explique M. Salgado. Toutefois, certains regrettent des rapports à charge qui ne donnent la parole qu’à une tendance.
Il est aussi déploré souvent le manque d’éléments matériels pour étayer les différentes informations données. Violations La stratégie adoptée par la mission onusienne est presque similaire à celle d’Amnesty International Mali, qui a fait une vingtaine de rapports sur les violations des droits de l’Homme depuis le début de la crise au Mali, en 2012. Selon M. Hamadoun Touré, Directeur exécutif par intérim de l’ONG, la méthodologie de recherche et de rapportage d’Amnesty International Mali est basée sur les principes et techniques de surveillance, documentation et rapportage des droits humains en se référant aux règles générales de recherche en Sciences sociales. « Cela consiste à réunir des informations sur des incidents, à observer des événements, à visiter des sites (ex. lieux de détention, camps de réfugiés) et à s’entretenir avec les autorités gouvernementales afin d’obtenir des informations », décrit-t-il. Pour ses rapports, Amnesty se réfère également aux documents produits par d’autres organisations, experts indépendants et structures indépendantes. Au terme des investigations, les organisations de défense des droits de l’Homme après avoir analysé toutes les allégations et informations, y compris celles provenant de sources ouvertes et des réseaux sociaux sur un événement ou une situation (publications, communiqués et déclarations officielles, articles de presse, déclarations et positions d’autres acteurs, ainsi que des photographies et vidéos), partagent les conclusions de différentes enquêtes avec les acteurs concernés, y compris les autorités du pays, avant qu’elles soient rendues publiques.« Cela est impératif », conclut M. Aguibou BOUARE.
Aly Asmane ASCOFARÉ (Journal du Mali)
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